mercredi 3 octobre 2012

Exprimer l'opposition ou la concession: conjonctions, adverbes, prépositions


L’opposition et la concession sont deux idées très proches qui utilisent globalement les mêmes mots pour  les exprimer. La différence s’effectue au niveau du sens :
- L’opposition intervient entre deux idées indépendantes qui ne se contredisent pas a priori (l’une n’empêche pas l’autre)
Exemple : Bien qu’il pleuve à plein temps, il a décidé d’aller voir sa grand-mère.
- La concession intervient entre deux idées liées qui devraient s’opposer (l’une devrait empêcher l’autre)
Exemple : Bien qu’il prenne des médicaments contre la douleur, il a toujours mal à la tête.
Vous voyez dans ces exemples que les conjonctions utilisées sont les mêmes. Ce sont les idées exprimées qui portent les nuances. Nous présenterons donc dans cet article les locutions, conjonctions et adverbes qui peuvent servir à exprimer l’opposition ou la concession en français.
Nous en donnons dans un premier temps la liste, puis les règles d’utilisation et les nuances avec des exemples.
**Conjonctions de subordination** (on y trouve la conjonction de subordination : "que")
alors que
tandis que
même si
bien que
encore que
pour + … + que      

quoique
quoi que
qui que
quelque(s) + nom + que
où que
tout + adj. +que
sans que
si + adj. + que
si ce n’est (/était) que
excepté que
sauf que
au lieu que
si (+ indicatif)
malgré que
sinon que
**Conjonctions de coordination**
mais
Or
**Adverbes**
par contre
en revanche
au contraire
en fait
Malgré
quand bien même
quand même
tout de même
Néanmoins
cependant
toutefois
pourtant
pour autant
sans
sinon
seulement
avoir beau
**Prépositions** et locutions prépositives (les expressions composées de plusieurs mots)
contrairement à
au lieu de
loin de
en dépit de
quitte à
si ce n’est
pour
   

**Utilisation**     

**Conjonctions de subordination**

alors que : + indicatif ou conditionnel. Il indique un rapport d’opposition. On trouve aussi « alors même que » + conditionnel.
Exemples : Alors qu’il tutoie tout le monde, il vouvoie toujours son père.
Alors même que la Terre serait dix fois plus grande, on ne pourrait pas cultiver assez de riz pour en obtenir autant de grains.
tandis que : Indique une opposition avec un contraste, deux actions qui se substituent l’une à l’autre.
Exemple : Ton frère travaille dur tous les jours tandis que toi tu restes dans ta chambre à dormir toute la journée.
même si : introduit une opposition ou une concession où l’élément après « même si » est sans effet. Cette opposition ou concession est niée pour la réalisation du second événement (l’événement de la proposition principale doit se réaliser malgré celui introduit par « même si »).

Exemple : Même si le professeur est absent, tu dois travailler tes cours.
Même s’il prend des médicaments contre la douleur, il a toujours mal à la tête.
bien que + subjonctif : (plutôt à l’écrit) introduit un élément qui aurait pu ou pourrait empêcher l’élément de la proposition principale.
Exemple : Bien qu’il ait le même âge qu’elle, il paraît dix ans plus vieux,

encore que : (généralement suivi du subjonctif) introduit une opposition ou une concession, où l’élément d’opposition ou de concession porte une valeur minime. L’utilisation d’ « encore que » laisse entendre que l’élément opposé aurait pu être oublié. Il est présenté un peu comme un ajout qui vient nuancer l’affirmation principale, lui poser une légère limite, peut-être drôle, relativement inattendue, en tout cas presque négligeable, ou alors grave, mais presque oubliée par l’énonciateur (ou présentée comme telle) et qui pourra alors porter des marques d’hésitations. A l’oral, si l’énoncé introduit par « encore que » est situé après la principale, on pourra trouver une petite pause avant son énonciation.

Exemple : Nous avons coupé le chauffage, encore qu’il fasse un peu froid la nuit.
Il est très gourmand, encore que son diabète le retient de manger trop de sucreries. (indicatif)
Encore qu’un tel travail imposerait une relecture. (construction avec « tel(les) » + nom + phrase au conditionnel. « tel(les) » fait référence à un élément déjà introduit et porteur d’une évaluation positive ou négative. Cette construction suppose une reprise après un premier énoncé principal achevé.
pour + … + que + subjonctif : (plutôt écrit) introduit une concession ou une opposition où le caractère d’un élément est remis en cause par la phrase principale. La phrase principale nie ou propose de dépasser l’affirmation ou la contrariété introduite par « pour…que ».

Exemple : Pour savant que soit ce professeur, il ne savait pas comment écrire ce mot.

Pour si difficile que soit ce travail, nous le réussirons.
Attention, l’expression figée « pour peu que » (oral et écrit) utilise cette construction pour introduire une condition (= si) (et donc plus une opposition ou une concession)

Exemples : Pour peu que tu travailles, tu y arriveras. (ici, on sous-entend qu’il ne travaille pas du tout pour l’instant) = si tu travailles, tu y arriveras.
Pour peu qu’il vienne, nous serons trois. (= s’il vient, nous serons trois)
quoique + subjonctif : introduit un élément qui aurait pu ou pourrait empêcher l’élément de la proposition principale (comme « bien que »)
Exemple : Quoiqu’il ait bien travaillé, il redoute cet examen.
quoi que + subjonctif : même utilisation que « quoique » (en un seul mot), mais où l’on attribue au « quoi » sa fonction de pronom relatif.
Exemple : Quoi que tu penses, je n’ai pas commis ce crime. (le "quoi" signifie ici : « quelle que soit la chose »)
On retrouve son utilisation dans l’expression : quoi qu’il en soit qui indique que malgré une contrariété, un obstacle, l’élément de la proposition principale doit se réaliser.
Exemple : Quoi qu’il en soit, nous irons à cette réception.
qui que + subjonctif : indique la concession ou l’opposition, mais n’est utilisé que dans les expressions : qui que vous soyez et qui que ce soit. Signifie en fait « quiconque », « personne », « n’importe qui ». le pronom qui n’a ici pas d’antécédent explicite et garde donc le sens d’une personne indéterminée. L’opposition ou la concession se crée entre cet indéterminé et ce qui est énoncé dans la proposition principale.
Exemple : Qui que vous soyez, on ne vous fera rien. (sous-entendu, même si vous êtes quelqu’un de mauvais)
Qui que ce soit qui ait fait cela, je le punirai. (sous-entendu : même s’il est difficile à trouver)
quelque(s) + nom + que + subjonctif : a le sens de quelque soit, n’importe lequel. Comme pour « qui que », l’opposition ou la concession est créée entre l’élément indéterminé (sous-entendu : comportant un obstacle ou une solution) et l’élément de la phrase principale.
Exemple : Jamais tu ne lui feras entendre raison, quelque argument que tu utilises.
Quelques manigances que tu complotes, tu ne pourras pas le faire abdiquer.
où que + subjonctif : Comme pour « qui que » ou « quelque… que », cette locution conjonctive indique la concession ou l’opposition relativement à un élément indéterminé qui concerne cette fois-ci le lieu. Ici, le sens sera que peu importe le lieu, l’élément de la phrase principale trouvera un obstacle ou la solution.
Exemple : Où que tu sois, je te retrouverai. (sous-entendu : même si tu es dans un endroit difficile à trouver).
Où que tu ailles, tes problèmes te suivront. (opposition entre la fuite et l’impossibilité d’échapper aux problèmes)
tout + adjectif + que (+indicatif ou subjonctif) : L’opposition ou la concession est créée entre la qualité introduite par l’adjectif et l’élément introduit par la phrase principale.
Exemple : Tout galant qu’il soit, il n’aide jamais sa sœur à faire la vaisselle. (il est habituellement très galant)
Tout timide qu’il est, il est venu me parler.
sans que + subjonctif : indique l’opposition ou la concession entre deux actions. Le sujet entre la proposition principale et la subordonnée n’est pas le même.
Exemple : Il a pris un bonbon sans que tu (ne) le voies.
si + adjectif + que + subjonctif + phrase principale (= si + adjectif + soit-il + phrase principale) : introduit une subordonnée de concession.
 Exemple : Si intelligent qu’il soit, il n’a toujours pas compris ce qui s’est passé.
Si intelligent soit-il, il n’a toujours pas compris ce qui s’est passé.
si ce n’est (était) que, excepté que, sauf que : introduit une réserve, un élément que l’on exclut
Exemple : Le pique-nique s’est bien passé, si ce n’est qu’il a plu tout l’après-midi.
Les deux frères se ressemblent beaucoup, excepté que l’un est travailleur et l’autre pas.
Il fait toujours ses devoirs le soir, sauf qu’il oublie tout le temps son sac à l’école.
au lieu que (+indicatif ou subjonctif) : (= à la place de) introduit une opposition entre deux attitudes ou événements.
Exemple : Au lieu qu’il vienne aujourd’hui, il aurait été préférable de repousser le rendez-vous d’une semaine.
Au lieu que tu lui reproches son attitude, tu aurais dû lui présenter des excuses pour ce que toi tu as fait.
malgré que + subjonctif : (oral, incorrect à l’écrit (sauf avec avoir ?)) Introduit une opposition ou une concession.
Exemple : Il a voulu venir, malgré qu’il eût une jambe cassée.
Malgré que tu sois venu, tes copains n’ont pas répondu à l’invitation. (oral, on dira sinon : « malgré ta venue… »)
si + indicatif présent : concession ou opposition. Introduit deux événements qui contrastent.
Exemple : S’il n’est pas venu, son frère, lui, était là !
sinon que : (=si ce n’est que) introduit une réserve.
Exemple : Je ne sais pas ce qu’il fait, sinon qu’il est très occupé.

**Conjonctions de coordination**

mais : exprime une opposition, une concession, une restriction. En tant que conjonction de coordination, elle relie deux propositions indépendantes (le sujet et le verbe peuvent être élidés s’il s’agit des mêmes).
Exemple : Il aime le chocolat, mais il n’aime pas le café.
Il aime faire du footing mais pas le dimanche. (mais il n’aime pas faire du footing le dimanche)
or : introduit une nouvelle idée qui peut contredire la première. La contradiction n’est pas exprimée de façon aussi forte qu’avec « mais », mais elle est claire avec le contexte (« et » pourrait aussi mettre en rapport des éléments qui s’opposent, mais sans marquer du tout cette opposition/concession, contrairement à « or »). « or » peut aussi servir dans d’autres contextes que des oppositions/concessions.
Exemple : Il avait quinze ans, or il croyait toujours au père Noël.
Il avait l’air de se réveiller, or il était dix-huit heures.

**Adverbes**

par contre : introduit une considération qui s’oppose à l’énoncé qui précède (opposition ou concession)
Exemple : Pierre voyage beaucoup, par contre Paul est très casanier.
en revanche : (= par contre) introduit un énoncé opposé à l’énoncé précédent.
Exemple : Je n’aime pas les pêches, en revanche j’adore les brugnons.
au contraire : indique une opposition radicale, totalement opposée, inverse (opposition ou concession).
Exemple : Je ne déteste pas le chocolat, au contraire, je l’adore !
en fait : introduit un élément opposé à l’élément qui le précède
Exemple : Je lui donnais vingt-trois ans, en fait il a trente ans.
malgré : introduit un élément qui contrarie le fait principal
Exemple : Malgré ce que tu penses, il y arrivera.
Malgré sa malchance, il réussira.
Il a trouvé un travail malgré lui. (involontairement)
Malgré tout, ils se sont mariés. (présente un ensemble de faits contrariants)
quand bien même : exprime une détermination en proposant pour exemple une contrariété extrême.
Exemple : Quand bien même tu ne le voudrais pas, je me marierai avec elle.
Quand bien même les dieux déchaineraient des ouragans, je partirai demain.
quand même, tout de même : indiquent l’opposition avec une nuance d’insistance. On insiste sur l’opposition exprimée.
Exemple : Il a quand même (/tout de même) appelé son frère. (on a dû lui répéter de nombreuses fois avant qu’il le fasse).
Néanmoins : (plutôt écrit) relie deux énoncés en marquant une opposition ou concession. Sa place dans la phrase est variable (en tête de proposition ou après le verbe ou l’auxiliaire)
Exemple : Je l’aime, néanmoins je ne veux pas l’épouser.
Il a beaucoup d’argent, il ne peut néanmoins pas l’utiliser.
cependant : introduit une opposition forte à l’énoncé qui le précède. Sa place dans la proposition est variable.
Exemple : Il ne parle plus, cependant son visage exprime une très forte émotion.
Il sort juste de l’hôpital. On dirait cependant qu’il est prêt pour courir un marathon.
toutefois : comme « cependant », introduit une opposition forte à l’énoncé qui le précède. Sa place dans la proposition est également variable. Il est souvent accompagné de « et » ou de « si ».
Exemple : Il habite depuis deux ans en France, il ne connait toutefois que quelques mots français.
Si toutefois vous veniez, amenez une bouteille de vin ! (l’opposition est ici créée par rapport à un énoncé précédent où la venue était annoncée comme peu vraisemblable).
pourtant : introduit une opposition forte à l’énoncé qui le précède. Sa place est variable et il peut être accompagné de « et » ou de « mais ».
Exemple : Ils sont toujours fâchés. Il a pourtant fait des efforts pour qu’ils se réconcilient.
Il est totalement misanthrope, mais pourtant, je l’aime bien.
pour autant : Introduit une opposition et un lien causal avec la proposition précédente. « Autant » rappelle la cause et indique avec le « pour » que celle-ci n’est pas suffisante et ne produit pas la conséquence attendue. Il y a donc une opposition entre la cause et la conséquence obtenue. La position dans la proposition est variable.
Exemple : Il a beaucoup travaillé. Il n’a pas réussi pour autant.
Il a appris par cœur tout son cour. Pour autant, il a totalement échoué à l’examen.
sans + infinitif : même utilisation que « sans que » mais où le sujet est le même dans les deux propositions.
Exemple : Il est sorti sans demander l’autorisation. (la personne qui sort = la personne qui ne demande pas l’autorisation)
sinon : peut exprimer une concession ou une restriction (excepté, sauf)
Exemple : J’espérais, sinon lui parler, au moins le voir.
Il ne fait rien de ses journées, sinon dormir ou se reposer.
seulement : placé au début de la proposition, il introduit une opposition ou une restriction.
Exemple : Il a un grand cœur, seulement il est parfois maladroit avec les gens.
avoir beau + infinitif : introduit une concession. Exprime l’idée d’essayer de faire quelque chose, mais en vain. Peut aussi avoir le sens de « bien que ».
Exemple : Pierre a beau essayer de l’appeler, elle ne décroche pas son téléphone.
Il a beau ne pas être encore parti, elle est déjà triste d’y penser.

**Prépositions**


contrairement à : introduit un mot ou un énoncé opposé à la réalité ou à quelqu’un
Exemple : Contrairement à ce qui a été dit, je ne suis jamais allé en Tunisie.
Contrairement à toi, je n’aime pas le football.
au lieu de + infinitif : peut s’utiliser à la place de « au lieu que », à la condition que le sujet soit le même dans les deux propositions. Le verbe de la proposition subordonnée sera ici à l’infinitif.
Exemple : Au lieu de ressasser ces événements sans arrêt, tu devrais l’appeler. (le sujet implicite de « ressasser » est « tu », le sujet de « devrais »)
au lieu de + nom : introduit une opposition entre deux noms. L’un est à la place de l’autre (par relation d’opposition).
Exemple : Au lieu d’une chambre, c’est un véritable dépotoir.
loin de + infinitif : introduit une négation renforcée. L’énoncé indique un éloignement important entre ce qui suit la locution et la réalité.
Exemple : Loin de m’obéir, ce chien n’en fait qu’à sa tête.
en dépit de : introduit un élément qui pourrait s’opposer à ce qui est énoncé.
Exemple : En dépit de sa maladie, il se montrait sans cesse débordant d’énergie. (il est malade, mais malgré tout, il montre qu’il a beaucoup d’énergie).
quitte à + infinitif : énonce un risque qui pourrait potentiellement contrarier l’énoncé principal.
Exemple : Quitte à me faire punir, je préfère ne pas rendre ce devoir.
(attention, « quitte à » peut aussi introduire une préférence dans un choix qui n’aurait qu’un seul résultat possible : Quitte à être puni, je préfère que ce soit pour une raison valable. (l’énonciateur sait qu’il sera puni, alors il préfère faire quelque chose de mal, qui donnera une justification à la punition))
si ce n’est : + nom ou pronom. peut se conjuguer, mais avec le sujet « ce » : si ce n’était, si ce n’eût été… ou au pluriel : si ce ne sont, si ce n’étaient, si ce n’eussent été… Cela indique une concession où l’élément introduit après « si ce n’est » est proposé comme ayant le plus de lien à l’action, mais sur un mode négatif laissant entendre qu’il ne serait pourtant pas l’élément en relation à cette action. Cette expression permet l’ironie, où cet élément introduit est alors annoncé comme l’auteur de l’action (dans quel cas, « si ce n’est » prend le sens de « sinon »)
Exemple : Si ce n’est ton frère, alors je ne vois pas qui a pu écrire ce message. (on sait que ce n’est pas le frère, mais tout laissait penser que c’était lui) (avec de l’ironie, on veut faire comprendre que le frère est bien l’auteur de la lettre, il ne peut pas y avoir d’autre responsable).
pour : peut introduire une opposition ou une concession.
Exemple : Pour un animal, il est plutôt intelligent. (un animal ne devrait pas être aussi intelligent)
Pour un débutant, tu te débrouilles plutôt bien.

IHC

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